Notre approche des marchés financiers

De quoi parle t'on ?

Je peux calculer les mouvements des corps célestes, mais pas la folie des gens

Isaac Newton en 1720 suite à la bulle des mers du Sud

La finance comportementale est l'application de la psychologie à la finance. Elle propose une alternative solide à l'explication du fonctionnement des marchés financiers telle que proposée par le modèle néoclassique. Son émergence a été facilitée par la multiplication des anomalies boursières dont les modèles conventionnels ne pouvaient fournir une explication cohérente.

Elle critique notamment l'hypothèse de rationalité des agents, pierre angulaire de celle d'efficience des marchés. Dans ce nouveau cadre, le comportement humain ne sera plus simplement appréhendé par le concept d'homo oeconomicus. Un être rationnel censé connaître et pouvoir traiter parfaitement toute l'information disponible. Ses décisions sont optimales pour son bien-être dans le sens qu'elles maximisent leur utilité espérée. L'individu est ainsi réduit par la théorie classique au rang de "supercalculateur" et ses émotions restreintes au minimum.

La finance comportementale appréhende différemment le processus décisionnel que les agents doivent effectuer en prenant en compte le facteur psychologique.

Pierre angulaire de la théorie comportementale de l'investissement dans des actifs risqués, Daniel Kahneman et Amos Tversky Daniel KahnemanDaniel Kahneman est né le 5 mars 1934, prix Nobel d'économie en 2002. Dès 1968, il travaille sur la psychologie de la perception, notamment les intuitions. Amos TverskyAvec Amos Tversky (1937 - 1996), il aborde les jugements individuels comme le résultat d'intuitions et de calculs, et lance un programme de recherche sur la prise de décision en condition d'incertitude. développent en 1979 la théorie des perspectives. Selon eux, en situation d’incertitude, les individus élaborent leur jugement sur la base d’heuristiques, souvent utiles, mais conduisant à des biais. Par exemple, leur irrationalité les conduits à évaluer de façon asymétrique leurs perspectives de perte et de gain. Ils tendent à prendre plus rapidement leurs gains et à laisser courir leurs pertes. L’aversion à la perte renforce la tendance à conserver les titres perdants.

D'une manière plus générale, la finance comportementale va s'efforcer d'expliquer les anomalies de marchés en se basant sur l'étude des comportements humains. Elle s'intéresse notamment :

  • Aux biais émotionnels. Si les émotions sont utiles au processus décisionnel en le simplifiant, elles limitent également la capacité de l'investisseur à dérouler un raisonnement analytique et efficace. D'une manière générale, les investisseurs passent par différents états émotionnels (fierté, joie, euphorie, peur ...) et humeurs qui peuvent amener à des actions prédéterminées. Les biais affectifs sont également liés aux croyances. Ils ont été l'objet de nombreuses études et sont susceptibles d'impacter le jugement des investisseurs.
  • Aux biais cognitifs qui affectent les processus de collecte et de traitement de l'information. Par exemple, les investisseurs vont accorder une place trop importante à une information qui est facilement disponible (heuristique de disponibilité), récente (biais momentum) ou susceptible de conforter une opinion préalablement établie (biais de confirmation).
  • Aux interactions sociales car la communication entre les individus contribue à homogénéiser les comportements. Par ce mécanisme les investisseurs sont enclins à l'imitation ce qui contribue à un comportement moutonnier sur les marchés financiers. La qualité du processus décisionnel s'en trouve dégradée.

La finance comportementale conduit à considérer différemment la rationalité des investisseurs, de "fondamentaliste", elle devient "stratégique" car l'investisseur rationnel prend également en compte dans ses investissements l'opinion du marché. Cette idée n'est pas nouvelle puisque de son temps John Maynard Keynes J. M. KeynesJohn Maynard Keynes (5 juin 1883 - 21 avril 1946)
est un économiste britannique de notoriété mondiale, reconnu comme le fondateur de la macroéconomie moderne, pour lequel les marchés ne s'équilibrent pas automatiquement, ce qui justifie le recours à des politiques économiques conjoncturelles.
avait déjà envisagé l'investissement en ces termes :

(Les investisseurs professionnels) se préoccupent, non pas de la valeur véritable d’un investissement pour un homme qui l’acquiert afin de le mettre en portefeuille, mais de la valeur que le marché, sous l’influence de la psychologie de masse, lui attribuera trois mois ou un an plus tard. Et cette attitude ne résulte pas d’une aberration systématique … Il ne serait pas raisonnable en effet de payer 25 pour un investissement dont on croit que la valeur justifiée par le rendement escompté est 30, si l’on croit que trois mois plus tard le marché l’évaluera à 20

J. M. Keynes - "Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie" 1936

Par conséquent le prix ne retrouve pas forcement sa valeur fondamentale et les marchés ne sont pas efficients dans le sens classique du terme. L'intérêt principal de ce modèle est de fournir un cadre global d'analyse plus en rapport avec la réalité des marchés financiers. Il donne une véritable place aux émotions humaines, à l'incertitude et aux croyances dans la prise de décisions des agents.